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Rockfanch

[INTERVIEW] BRUIT ≤

Publié le 14 Décembre 2019 par rockfanch in Interviews

Crédit photo : Ciliae photography

Crédit photo : Ciliae photography

Comment est né Bruit ≤ ?
* Théophile (guitare) : Bruit ≤ est né d'une envie commune avec Clément de faire de la musique purement instrumentale qui ne comprend aucune contraire. Avec Bruit ≤, si on le souhaite, on peut faire des morceaux de dix minutes. On peut remplacer la voix par des arrangements. Le groupe s'est étoffé par la suite par des rencontres sur la scène toulousaine.

Comme tu viens de le préciser, Bruit ≤ est né d'une envie de liberté. Mais une envie de liberté par rapport à quoi ?
* Théophile : Avec Clément on a eu précédemment d'autres projets musicaux en commun. Le format musical de l'époque n'était pas trop contraignant mais il y avait certaines contraintes tout de même. Une certaine pression et un cahier des charges à respecter. Avec nos projets précédents on se battait un peu avec ce genre de codes et on avait là une envie de faire ce que l'on voulait. Tout ce qui n'a pas été possible de mettre dans nos précédents projets, on l'a mis de côté et maintenant ça a fini par ressortir sous le nom de Bruit ≤. 

Clément et Théophile vous êtes les deux membres fondateurs de Bruit ≤. Comment Luc et Damien se sont-ils joints au projet ?
* Clément (basse et violon) : Le groupe a connu beaucoup de transformations dans son line-up. Pour ma part, j'ai rencontré Damien (batterie) dans un précédent projet qui s'appelait Gravity avec Serge Faubert où on faisait de la pop expérimentale. Luc (violoncelle), c'est un ami de longue date. On était au lycée ensemble. On s'est retrouvé à travailler ensemble sur la tournée de BigFlo & Oli. Comme je cherchais la possibilité d'avoir les sonorités de cordes qu'on retrouve dans l'EP en live, c'est apparu assez naturel de lui demander de rejoindre le projet sur scène. 

Monolith, votre premier EP, a été enregistré à deux ?
* Clément : A trois ! Monolith a été enregistré par Théo, Damien et moi dans mon studio de La Tannière. Il y avait aussi Mathieu Mulet à la basse qui nous a aidé à composer cet EP.


Et toi tu as repris la basse du coup ?
* Clément : Exactement ! A l'époque je jouais de la guitare, mais Théo a une manière de jouer de la guitare qui est tellement large... Il prend un spectre très important donc on a voulu lui laisser la place seul. On pensait que c'était mieux en terme d'équilibre, plus intéressant musicalement parlant. Ce qu'on veut dans Bruit ≤, c'est construire un mur de son qui aille de la fréquence la plus basse à la fréquence la plus aiguë. Tous les rôles doivent être répartis sur un spectre qui est dosé avec beaucoup de soin.

Tu parles d'un spectre allant de la fréquence la plus basse à la fréquence la plus aiguë avec des rôles prédéfinis à l'avance pour composer. Mais est-ce que les rôles peuvent changer pour vous quatre d'un titre à l'autre ?
* Clément : Ça peut même changer dans le titre ! 

Comment construisez-vous un titre ?
* Clément : Ça part d'une idée, d'une image mentale. 
* Théophile : D'une courbe d'intensité souvent.
* Clément : Oui, voilà ! Une courbe d'intensité, voir même une image géométrique. Où est-ce que l'on veut donner de l'impact, mettre de la tension et de quelle manière on va le faire. Est-ce qu'on va jouer directement sur de la saturation ou sur quelque chose qui va se détacher progressivement ? Pour le dernier exemple que j'ai cité, on part d'un unisson et petit à petit les parties s'éloignent. La fréquence la plus basse, sera encore plus basse et l'aigue encore plus aigue ! On ne l'a jamais tenté mais ça pourrait être l'idée de base d'un morceau. On partirait tous les quatre du medium et ensuite on s'écarterait chacun progressivement dans des directions différentes. Il peut y avoir aussi plusieurs idées dans le morceau qui se conjuguent.

[INTERVIEW] BRUIT ≤

Plusieurs parties du coup ?
* Clément : Oui et non. Théoriquement il y en a, mais on essaie de faire en sorte qu'il n'y en ait pas. Sur The Fall, il y en a deux. Elles se répondent et auraient pu être indépendantes, former deux morceaux distincts. Au sein même d'une partie, on ne veut pas que notre musique sonne en A puis B puis retour au A, un pont, puis un C... On veut essayer de faire un truc linéaire pour qu'on perde la notion de quand ça va commencer et quand ça va finir. 

Pourquoi ce nom de Bruit ≤ ?
* Théophile : Quand on a commencé la formation, le line-up a changé et le style aussi. De base le groupe était plus noise. Le son était sans doute un peu moins soigné,  on avait aucune idée de nom. C'était plus brut...
* Clément : Plus guitare !
* Théophile : C'est ça, plus guitare avec de la disto. Moins d'arrangements de cordes, ça bavait comme on dit ! On avait pas d'idées et un de nos potes nous a dit de nous appeler Bruit ≤. C'était un jour où on rigolait en parlant des noms à la mode dans le noise comme Pneu ou ce genre de choses qui tiennent en une syllabe et qui sont facile à retenir. Le nom est resté. 
* Clément : On a regardé du coup, et on s'est dit "Bon il doit au moins y avoir quatorze groupes qui s’appellent Bruit ≤ !" Et en fait pas du tout ! Il y avait un seul groupe de jazz dans le Wisconsin qui portait ce nom. Il doit y avoir une sorte de faille spatio-temporelle, personne ne s'appelle Bruit ≤... On a eu trop de chance !
* Théophile : Peut-être que c'est parce que c'est un nom à chier, du coup personne ne l'a pris !
* Clément : Après c'est marrant, j'aime bien ! Ça montre bien l'intention sonore que l'on peut avoir. 
* Théophile : Moi l'idée du décalage. Vu qu'on a créé le groupe quand on faisait du noise, tu te dis que Bruit  ≤ ça va être du noise... Et non ! 
* Clément : Quand je parlais tout à l'heure de remplir le spectre. Le bruit rose c'est un de nos modèles. C'est à dire que quand on est au maximum de la puissance du son, ça pourrait ressembler à un bruit rose. C'est le moment où toutes les fréquences du spectre sont représentées à égale intensité. Il y a beaucoup de graves mais aussi beaucoup d'aigus. Une sorte d'équilibre un peu magique qui se créé... Bon après, c'est surtout que Bruit ≤ on trouvait ça marrant. 

Pouvez-nous nous expliquer le petit symbole qui accompagne le nom Bruit ≤ ?
* Clément : Ce petit symbole représente pas mal de choses. Le V retourné représente le crescendo dans la nomenclature musicale. La ligne en dessous, c'est la ligne temporelle. L'idée c'est de créer une musique qui augmente en intensité dans une temporalité qu'on perd. Il y a aussi la volonté de mettre en géométrie, une notion mathématique qui représente un truc absurde qui n'existe pas. La musique sans paroles, sans chant est difficilement explicable et quantifiable. Cette absurdité dans le logo, je la trouve marrante. Aussi, dans la nomenclature musicale, si on écrit en petit au dessus d'une note ça veut dire que c'est un accent et qu'il faut appuyer la note et la tenir. Je trouve que par rapport à notre manière de jouer de temps en temps, c'est un signe que j'aurai mis sur nos partitions. Ce n'est pas du tout le signe inférieur ou égal, ce que les gens pensent souvent et c'est normal. Mais ce n'est pas du tout dans cet esprit là qu'on l'a rajouté.

Votre EP Monolith a une année désormais, pensez-vous déjà à lui donner une suite ?
* Théophile : On est en plein dedans. On compose l'album qui est pas mal avancé, on commence à se projeter sur une date approximative de sortie qui serait l'automne 2020 en gros. 

Enregistré à la maison encore ?
* Clément : Mixé à la maison dans la Tannière. En fait ce n'est plus vraiment la maison, j'ai monté mon studio de real et de mix dans le centre ville. Pour enregistrer on cherche un super beau studio pour se faire plaisir et sortir de Toulouse. J'aimerai enregistrer un album de post-rock avec l'exigence acoustique et timbrale du jazz ou de la musique classique. Ça veut dire que pour ça, il faut des grandes pièces, de beaux micros et une belle console. C'est ce qu'on cherche en ce moment. 

Il y a une exigence musicale autour de la musique de Bruit ≤ ?
* Clément : Une exigence artistique autour du son du groupe, oui. Vu qu'on s'appelle Bruit ≤, si on a pas cette exigence autour du projet, il faut qu'on change de groupe. 

Les influences de Bruit ≤ sont multiples. On entend du post-rock dans votre musique mais aussi de la musique classique, de l'électro...
* Damien (batterie) : Pour Clément et Théophile, c'est plutôt du post-rock... Moi je suis orienté jazz et les musiques électroniques. Pour donner deux influences majeures c'est Aphex Twin et Mark Guiliana.
* Luc (violoncelle) : Pour moi c'est principalement la musique contemporaine.
* Damien : Tous les quatre, on a du mal à donner une étiquette musicale au projet. On a donné l'étiquette post-rock pour cibler un certain public. Mais Bruit est plus large que le "simple" post-rock. C'est une vraie fusion d'esthétique musicale. On va du post-rock à la musique classique - contemporaine, ainsi que des choses plus lourdes comme le doom gaze. Il y a aussi des musiques électroniques que j'amène en tant que batteur. Ce sont des boucles répétitives avec peu de variations. Mais c'est un projet dans lequel on écrit beaucoup et ça explique les longs formats pour pouvoir faire évoluer notre musique. 
* Luc : J'ai des goûts musicaux assez proche de ceux de Clément. On a fait le conservatoire ensemble en classique. Je pense que c'est là où on se rapproche. Aussi, on écoute tous les quatre ce qu'on appelle de l'alternatif : Radiohead, James Blake... 

[INTERVIEW] BRUIT ≤

Du post-rock aussi ?
* Luc : J'en écoute peu par rapport aux trois autres membres du groupe ! Je découvre ce style progressivement. Je suis plutôt dans le milieu rock et électro. Je suis surtout là pour le live, j'ai pas encore cette touche de création dans Bruit ≤. Mais ça venir graduellement, je suis tout nouveau dans le groupe !

Vous parliez des influences qui n'étaient pas figées dans Bruit ≤, est ce que vous pourriez faire autre chose que du post-rock ?
* Theophile : On ne s'est pas autoproclamé groupe de post-rock. Mais à partir du moment où tu joues avec des instruments rock, de la musique instrumentale et long format, on te classe comme ça. Si on veut toucher ce public là, c'est très bien. Mais après, on peut faire aussi des titres plus court. On ne se pose aucune contrainte, on rôde actuellement un titre en live qui ne fait que cinq minutes. Ce titre on le sentait comme ça et il n'avait pas besoin d'être allongé.
* Clément : Je pense que le format fait parti même de l'identité du groupe. Si on devait résumer le groupe en une phrase c'est "Jusqu'où vont-ils aller ?" Pour nous cinq minutes, c'est un format court. Après, je crois qu'il fait plutôt six minutes trente. On a l'impression qu'il passe très vite alors qu'en vrai c'est le format de deux morceaux "normaux". Est-ce qu'on serait capable de faire des morceaux sans progression ? Bien sûr, mais ce ne serait peut-être pas un titre de Bruit ≤ ? Sans oublier que est ce que faire un morceau avec un crescendo et une progression c'est faire du post-rock ? Pas forcément.
Si tu écoutes Penderecki dans la musique contemporaine ou Portico Quartet dans le jazz, il y a des titres hyper progressifs. C'est progressif mais ce n'est pas pour autant du post-rock. On essaie de se positionner dans l'idée qu'on fait des progressions mais qu'on va essayer d'éviter le petit gimmick des guitares claires / réverbérées, le roulement épique de caisse claire derrière, et la basse qui fait des blanches ou des croches. Il y a des choses qu'on aimerait bien faire mais qu'on évite de faire à tout prix pour essayer de faire des alliages et des recettes en dehors de ce style là. Après, vu qu'on le joue avec une basse, une batterie et une guitare. On est tout de suite catégorisé post-rock parce que c'est la cuisine post-rock. Mais on essaie au maximum de fuir ce genre de clichés. On a des titres qui ne sont pas vraiment du jazz, du post-rock ou de la musique contemporaine. C'est une fusion de tout ça. 

Comment se créé une setlist pour la scène ?
* Théophile : On joue ce qu'on a de jouable et ça fait quarante minutes ! On essaie de garder le plus d'intensité pour la fin pour pas qu'il y ait de retombées avec un blanc derrière pour ne pas que les gens s'embêtent après. Il y a quatre morceaux que l'on joue, l'ordre est très vite trouvé.

Ça vous arrive d'improviser sur scène ?
* Clément : Un petit peu sur des introductions ou des outroductions où on fait des nappes, des drones des choses comme ça. C'est peut être Luc et Damien qui font plus place à l'improvisation que Théophile et moi. On a des points de rendez-vous dans nos titres mais le cheminement peu et doit varier pour y arriver. 

Dernière question, vous avez un scoop pour moi ?
* Clément : Pas vraiment... Ou du moins pas disable comme ça !

 

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