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Rockfanch

[INTERVIEW] IRWIN GOMEZ

Publié le 15 Avril 2021 par rockfanch in Interviews

[INTERVIEW] IRWIN GOMEZ

Qu’est ce qui t’as donné de faire de la musique ?
Irwin Gomez : Venant d'une famille de musiciens ça semblait logique d'être sensible à cet art. J'ai joué pendant quelques années avec mes parents dans un groupe de musique sud américaine et j'y ai développé une certaine addiction je pense. Plus tard en découvrant des ovnis comme Ravel, Debussy, Radiohead, Steve Reich, je me suis dit que je pourrai peut être en vivre...

Pourquoi le piano ? Tu as testé d'autres instruments avant ?
J'ai commencé par les percus (bombo argentin notamment) puis j'ai pris des cours de piano à huit ans. J'ai par la suite touché un peu à tout mais en autodidacte : chant, basse, guitare et batterie. Je n'ai par contre jamais osé jouer un soufflant, à mon grand regret. Il faudrait douze vies pour tout survoler !

Tu pourrais un jour souffler dans un instrument du coup ? Comme ça pour le kiff ?
J'ai vite fait essayé la trompette et le trombone (et quelques prises studio à l'arrache chez moi) mais c'est pas demain qu'on me verra en jouer sur scène.

Tu dis que tu as voulu tester beaucoup d'instruments, mais dans ta musique tu tentes beaucoup de style ? C'est ça le style Irwin Gomez, c'est un touche à tout ?
Oui c'est un atout mais un problème parfois... Je n'ai jamais su me "ranger" dans un style bien défini, n'en déplaise à certains organisateurs, labels et autres professionnels de la musique ! J'ai joué dans des formations jazz, rock, electro et même chanson, mais je préfère parler en terme de référence en nommant des artistes, c'est plus pertinent il me semble pour savoir de quoi on parle réellement. Je suis juste un grand fan de musiques de tout horizon. Ce qui me parle c'est la vibration et la sincérité. Heureusement ces deux notions sont présentes chez beaucoup d'artistes. Je crois que ce que j'essaye de faire dans ma musique c'est tout simplement à retransmettre ces idées qui me semblent tellement vitales aujourd'hui dans ce monde.

Ce projet solo en parallèle des différents groupes dans lesquels tu officies, c'est pour t'exprimer librement musicalement parlant ?
Oui c'était une manière de reprendre les commandes d'une vision musicale, de manière totalitaire. Mais aussi de me pousser à nouveau à porter toutes les casquettes possibles, puisque c'est un projet autoproduit de A à Z. J'avais monté un groupe avec un bon potentiel il me semble (Off Echoes) il y a des années de ça, et je ne voulais pas refaire les mêmes erreurs : prendre des musiciens, planifier des répets sans avoir quelques idées poussées. Et que ces idées aient des débouchés futurs. Le tout en manquant d'assurance, ou de diplomatie, galérer à écrire des textes dans la langue de Shakespeare... Bref ce projet solo est beaucoup plus dans mes cordes puisque je n'ai pour le moment que moi à gérer, pas de pression sous jacente et surtout c'est un projet instrumental, ce qui a tendance à libérer ma parole plus naturellement.

Sur ce projet qui te tiens à cœur, tu as décidé de t'exprimer par les notes plus que par les mots, c'est ça ?
Oui c'est ce que à priori je sais faire de mieux ! mais je ne renonce pas totalement à réécrire ou remonter un projet ou je chante. Je continues quand même à bosser avec Budapest ou Bazar Bellamy qui sont des projets chantés en anglais ou français mais je n'ai pas la place du chanteur.

On a vu l'autre jour avec ta reprise des Twin Shadow que tu avais un joli brin de voix. Ce serait dommage de gâcher ça...
Ha cette reprise ! Merci, je vais en préparer d'autres. Et puis ça c'est du plus, tout confort : en studio chez moi, je prends le temps, je m'amuse. Pas de pression.

Ca se sent que tu passes un bon moment, une petite récré on va dire... Comment tu as choisi ce titre justement et pas un autre ?
En fait c'est un titre qu'on écoutait beaucoup en 2010, 2011 à la création de Budapest (le groupe pas la ville hein). On était parti aux Déferlantes voir Twin Shadow, Two Door Cinema Club, Foals, et bien d'autres (très bonne affiche en passant... Du coup c'est peu un joli souvenir de festoch' et de moment d'insouciance ou à l'époque la vie semblait facile : toute découverte était géniale et enthousiasmante et on s'en nourrissait logiquement. Les temps sont un peu plus durs aujourd'hui, alors que c'était il y a à peine dix ans... et je cherchais un titre à reprendre donc c'est tombé sur celui ci mais il y en aura d'autres.

Entrons maintenant dans ta tête... Comment viennent tes compositions ?
Ahah je ne sais pas comment elles viennent, je sais comment elles rentrent dans mon dictaphone par contre. Aujourd'hui c'est généralement seul face au piano, dictaphone pour enregistrer la moindre petite idée. Je me censure déjà à la base en évitant de plus en plus les longues improvisations interminables. Je préfère privilégier les petits thèmes plus "catchy". Même si l'on est pas dans de la pop, il faut une accroche. 
J'essaie de poser une trame et de la valider assez vite, de tourner autour puis très vite passer devant un ordi pour orchestrer, triturer, chercher des textures pour habiller. Et je pense que tout est histoire d'habitude : on est plus pertinent, il me semble, lorsqu'on a posé, enregistré et arrangé tous les jours pendant une période donnée que lorsqu'on s'y remet à peine après une grande interruption. En tout cas je ne mets pas de barrieres stylistique à part sur la longue impro.

Passons maintenant à l'album que tu as sorti au début du mois de mars, Alegria. Appeler son album ainsi c’est pour apporter de la joie dans cette période difficile ?
Pour garder un peu d'optimisme forcément. C'est peut-être pour m'en convaincre moi même aussi. Mais c'est aussi tout bêtement un clin d'œil à ma famille espagnole que je n'ai pas vu depuis 2016 et même si on a toujours été éloigné, ça manque. Les souvenirs gamin dans les rues de Macotera, un village perdu en Castille près de Salamanca et cette ambiance indescriptible... Cette madeleine égarée...

Ton précédent album Belvédère, tu étais seul. Tu as eu envie de faire évoluer ta musique ?
C'est venu en cours d'enregistrement. A la base je voulais procéder un peu comme Thomas Terrien (que je conseille vivement d'écouter) : créer un set electro acoustique texturé mais seul avec des machines, du moins pour l'enregistrement. Et puis je n'ai pas pu m'empêcher de faire rentrer mes amis de longue date Hervé (guitare) Nicolas (batterie) et Petteri (basse) dans la danse... Ensuite, tu commences à arranger des parties synthés (prophet) mais façon brass et du coup tu vois une section avec Rémi V, Franck, Sacha, Alain et Robi. Puis tu te dis que ce petit thème aigu sur A travers les portes serait bien joué par un whistle par Rémi B, et que peut etre mon père pourrait bien jouer un bombo sur L'enfer me ment. C'est souvent comme ça que ça se passe : une idée en amène une autre. Le développement opère sans cesse, dans la tête mais aussi dans la réalisation. Je crois que c'est cette phase qui me plait le plus, car c'est no limit.

Ca t'es venu au fur et à mesure la liste des invités pour l'album ?
Tout à fait, je pensais pas qu'ils seraient si nombreux, mais on a respecté les gestes barrières.

Tu t'es dit qu'en plus de faire un clin d'œil à ta famille avec le titre de l'album, tu allais en plus réunir ta famille musicale sur l'album ?
C'est un peu ça oui et puis plus on est de fous...

[INTERVIEW] IRWIN GOMEZ

Cet album sonne très musique du monde. Je veux dire qu'on a des couleurs brésiliennes, africaines et même celtes. Alegria est un album qui fait voyager ?
Tu n'es pas la première personne qui me dit ça et c'est tant mieux, c'était le but. A la différence de Belvedere , je ne voulais d'un album trop sombre, j'ai arrêté d'écouter trop de rock prog des années 70... Je suis un grand amateur du Pat Metheny group, Jaga Jazzist, et de par ma culture latino américaine forcément je me suis engouffré dans la brèche. Aussi, le voyage c'est ce qui manque cruellement aujourd'hui car ça apporte la compréhension de l'autre. donc on voyage en musique c'est déjà ça.

C'est un voyage sensoriel avec tes mélodies sans être "pollué" par un texte on va dire ? C'est à l'auditeur de se créer son propre paysage... 
C'est une musique imagée selon la plupart de mes auditeurs et c'est tout à fait ce que je cherche : un rapport à l'image, une illustration. Le fait d'avoir du texte aurait pu en effet biaiser le propos. d'ailleurs la musique à l'image m'a toujours émerveillé … L'alchimie qui peut se produire est souvent déroutante.

Une musique qui se veut cinématographique, d'ailleurs les formes d'art autres que la musique peuvent t'inspirer pour la création de ta musique ?
le cinéma forcement : l'univers de David Lynch, Inarritu, Tarantino, Spielberg, Terry Gillian, Guy Ritchie et tant d'autres

Là aussi, on peut dire que tu es éclectique !
Je te dis... Pas de frontières ! Après tout on cherche déjà tout le temps à nous mettre dans des cases... Alors qu'il y a tellement de belles choses à connaitre partout, on manque juste un peu de temps.

Comment tu baptises tes chansons ?
C'est un procédé bizarre puisque je suis dans le non verbal (puisque instrumental) mais j'essaye de faire coller une idée qui sonne phonétiquement et qui pourrait se rapprocher de la vision musicale du titre. Mais ça dépend, ça peut etre aussi un jeu, une correspondance par rapport à un jour, un état... Je ne suis pas encore dans l'elaboration d'un album concept (avec des anagrammes ou autre ) mais pourquoi pas.

On a déjà grillé assez de neurones à être enfermés... Nous ne achève pas !
Pourtant j'aime bien les énigmes.

Les livestreams que tu fais régulièrement... C'est pour être en tournée chez les gens ?
Pour garder le lien oui, Même si ma fanbase n'est pas celle de Brad Mehldau bien évidemment. En attendant des jours meilleurs, I hope so.

Comment tu créés les setlists de ces live streams ?
J'essaye de faire en sorte que le set soit plus ou moins dynamique en faisant attention à ce qu'il ne fasse pas plus 40 de minutes, c'est mon coté pragmatique. J'inclus forcement les titres dont les retours sont très positifs. Aussi passé une demi heure sur Facebook ou ailleurs, la concentration n'est plus la meme.

[INTERVIEW] IRWIN GOMEZ

On pourrait t'imaginer avec des invités dans les prochains set ?
Ca pourrait bien oui.

Ca t'arrives d'improviser sur tes titres pendant les lives streams ?
Pas qu'un peu ! J'improvise généralement sur des grilles (enchainements d'accords redondants) sans me dire pour autant le nombre de tours, mais aussi j'improvise parfois les structures elles mêmes, et là c'est plus délicat car moins habituel et plus casse gueule. Ca permet de tester les arrangements mais ça n'aide pas à avoir un timing bien défini.

C'est aussi une manière de rendre chaque live unique je suppose ?
Je ne supporterai pas, encore moins sous cette formule piano solo, de jouer exactement les mêmes morceaux, toujours de la même manière. C'est la force du chorus (impro), ça permet de vadrouiller, d'explorer sur le fil et en direct. C'est une mise en danger, relative bien sûr, mais ça reste très instructif

Tu pourrais nous parler de ton studio Vigo Records ? Comment est née cette idée ?
Ca fait quelques temps déjà. Le premier groupe que j'ai enregistré, je devais avoir seize ans je crois! Car qui dit famille de musiciens dit possibilité d'enregistrer à la maison. Depuis j'ai fait du chemin, appris un paquet de trucs  et j'en ai encore à apprendre! C'est donc un studio nomade que je gère, qui a enregistré, je dirai une bonne vingtaine de groupes amateurs, semi pro et pro (chanson, rock, reggae, stoner, metal, ...) . Ingé son, ça n'est pas mon métier à la base puisque je suis déjà bien pris avec mon boulot de pianiste arrangeur compositeur. Mais ça l'est devenu plus ou moins car je m'y suis vraiment bien plongé dedans, de par mes prods persos (sans doute) que j'aurai du mal à laisser à quelqu'un d'extérieur je pense. Actuellement je suis en train de finir le mastering d'un album de Renaud R (chanson folk méditative). C'est le quatrième avec lui et ça permet encore d'explorer un autre aspect de la musique. C'est un projet qui continue et s'ouvre un peu à la captation video également.

Et comment se fait le choix des artistes qui vont enregistrer chez toi ? C'est eux qui sont demandeurs ? Toi ? Ou ce sont des relations que tu as pu tisser au fil des années et tu leur dis "allez viens enregistrer chez moi" ?
Un peu de tout, généralement des gens que je connais mais aussi du bouche à oreille. Pour certains je propose mais c'est essentiellement les gens qui me demandent. Puis en étant musicien, je leur propose facilement de la réalisation de titre, ce qui peut être intéressant pour les gens qui sont un peu perdu et manque de recul dans les arrangements.

Tu as donc plusieurs rôles pour le groupe qui enregistre. Tu l'enregistres mais tu l'accompagnes et le conseilles. Tu as plusieurs casquettes à la fois...
That's it, selon la demande.


Tu ne t'imposes pas du coup, tu écoutes le groupe avant tout et ses besoins ?
Non, je sais très bien rester à ma place et il vaut mieux. Je vois ce dont le groupe a envie et je m'adapte. Par contre si je vois qu'ils sont dans l'impasse. Je proposes des trucs.


Dernière question... Un scoop pour Rockfanch ?
On a marché sur la lune! Je peux te dire que le concert filmé de cet après midi au musée Ingres à Montauban sera dévoilé fin avril sur la toile....

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